Charlotte Hess, jeans, tongs et tee-shirt, cheveux lâchés sur les épaules, teint de porcelaine et regard azur, est une artiste à part entière. Passionnée, elle nous parle avec enthousiasme de son travail de portraitiste. Photographe atypique, elle transmet à travers ses photos tout son savoir-faire et son professionnalisme et réalise des portraits d’un autre genre, qui rappellent les peintures du XVIIIème siècle.

La photo, une raison de vivre

Après un DEUG de sciences, Charlotte Hess réussit le concours de la célèbre école Louis Lumière en section prise de vue. Les trois années d’études passées dans cette vieille institution lui laisse un souvenir amer. Trop technique, trop académique, un corps enseignant de la vieille école ne laisse que peu de place à l’expression artistique que Charlotte espérait.

Elle réussit néanmoins avec brio son examen de fin d’études sur un sujet qui lui parle : le métissage de la photographie contemporaine. Son terrain de jeu favori devient la photographie, utilisée comme médium. Elle s’amuse à faire des tirages sur du zinc et du cuivre, grâce à une émulsion spéciale fabriquée par ses soins afin d’éviter les réactions chimiques. Son travail est déjà proche de l’univers de la décoration. Elle s’associe alors pendant deux ans avec un décorateur qui fabrique des meubles sur lesquelles la photographe coule son émulsion et imprime ses photos.

A la suite de cette expérience, Charlotte Hess part vivre à Madagascar « plus par désir de partir à l’étranger et de tout quitter » et trouve un poste de photographe pour le Centre Culturel Français. Elle rencontre le futur père de ses enfants et rentre en France après deux ans d’une expérience magnifique.

Elle se consacre alors à ses enfants et met sa créativité entre parenthèses. « Je n’arrivais pas être créative pendant les deux heures de sieste des petits, c’était trop compliqué ». Les années passent. Elle s’essaye au maquillage, un échappatoire au rythme quotidien de la femme au foyer, jusqu’au jour où un besoin viscéral de renouer avec la photo la saisit. « J’ai eu envie d’arracher l’appareil du photographe qui shootait la personne que j’étais en train de maquiller, et je me suis dit, là ce n’est pas possible, je suis en train de passer à côté de ce que j’aime et de ma vie ».

Le clair obscur et les peintures du XVIIIème comme une évidence

A l’occasion d’une escapade à Amsterdam, Charlotte Hess visite un château et tombe sur une galerie de portraits anciens. Un souvenir rejaillit. Le portrait de son arrière grand-père qui trône au milieu de la salle à manger de la demeure familiale, lançant un œil accusateur sur ses arrières petits enfants qui ne finissent pas leurs assiettes ! Charlotte reste longtemps impressionnée et fascinée par ce portrait dont le regard la suit, quelque soit l’endroit où elle se trouve dans la pièce.

En sortant du château, elle réalise qu’on ne trouve plus aujourd’hui de portraits qui témoignent d’une histoire. Elle décide alors de mélanger ses aspirations artistiques et ses talents de photographe pour transmettre une mémoire. Charlotte nous explique que « maintenant on a des tonnes de photos sur son ordinateur ou sur des fichiers, et on ne les imprime même plus. Qu’est ce qu’il va nous rester ? Nos disques durs nous lâchent sans que l’on ait rien sauvegardé. Et pourtant, on est tous touché par les photos de nos grands-parents que l’on retrouve au fond d’un tiroir, parce que nous n’avions pas d’autre choix à l’époque que de les imprimer ».

Cette affection particulière pour le clair obscur et les peintres hollandais du XVIIème et XVIIIème la décide à réaliser des portraits qui suivent cet esthétisme. Elle fait dans un premier temps appel à des amis et à des connaissances qui acceptent volontiers de prendre la pose. Rapidement, les commandes s’enchainent.

« Contrairement à ce que l’on pourrait croire lorsque l’on regarde mes portraits, 90% des accessoires sont actuels. Ce qui donne un côté ancien à mes portraits ce sont simplement la lumière et le traitement de l’image. D’ailleurs, beaucoup de personnes se demandent s’il s’agit de photo ou de peinture, certains me disent même que je peins très bien ! ». Tous les codes picturaux utilisés par Charlotte Hess sont ceux de la peinture, ce qui peut créer la confusion.

Une mise en scène personnalisée

Son activité de portraitiste comble son besoin de découverte de l’autre. Charlotte Hess aime la rencontre, le temps qu’elle prend à discuter avec une personne, à mieux la connaître, à essayer de rentrer dans son intimité afin de réaliser un portrait ressemblant, malgré l’esthétisme particulier de son travail.

Elle estime que trois heures lui sont nécessaires à la réalisation. Elle aime faire les choses posément et refuse d’être dans le rush. Elle va chercher la lumière autour de la personne, va lui demander de bouger, de lâcher prise. Tant que le résultat ne lui convient pas, elle multiplie les clichés tout en rassurant la personne photographiée. La gestion de cette dimension humaine l’enchante.

Charlotte travaille en étroite collaboration avec une styliste, lui transmet les informations relatives à la personne à photographier, ou la lui présente afin qu’elle puisse avoir son propre ressenti. Elles travaillent main dans la main depuis longtemps, la communication est facile. Elles cherchent ensemble les vêtements et les accessoires qui conviendront le mieux au portrait.

La personne qui se fait photographier essaie les différentes tenues, une coiffeuse est là pour arranger les chevelures et Charlotte s’occupe du maquillage. La mise en scène, les vêtements choisis, la coiffure… Tout se fait avec l’accord de l’autre. La plupart du temps les personnes sont en confiance. « C’est marrant d’ailleurs parce que les hommes adorent, et se prêtent énormément au jeu. Ils lâchent beaucoup plus sur leur image que les femmes. Les femmes c’est un peu plus compliqué, j’ai d’ailleurs plus de commandes d’hommes. Les femmes font des portraits de leurs enfants en général et les hommes des portraits d’eux ! La femme a plus peur de son image » nous dit Charlotte dans un éclat de rire.

Par ailleurs, Charlotte Hess adore photographier les enfants. Contrairement aux adultes, les enfants ne posent pas. Ils sont immédiatement authentiques, ne calculent pas l’image qu’ils renvoient ou leur meilleur profil. « L’enfant s’assoit et est là tout de suite. Et si je demande aux parents de sortir, en général il vaut mieux, je l’ai immédiatement. Naturellement les traits de son visage se posent et le cliché est réussi ».

Aujourd’hui les shootings se font dans le salon de son appartement qu’elle aménage en studio de photo pour l’occasion. Mais elle adorerait avoir un studio de portraitiste.

Artiste, portraitiste, photographe, coach mais surtout profondément altruiste

Charlotte se positionne plus entre l’artiste et le portraitiste. Dans un cas, elle met son travail en valeur et dans l’autre cas, c’est l’autre qu’elle met en valeur. Il s’agit de trouver un juste milieu qui n’est pas toujours évident, ni pour la personne photographiée ni pour elle-même. Souvent, les personnes qui viennent pour un portrait ont une demande et une attente particulière. Néanmoins, Charlotte refuse de donner un résultat qui ne soit pas cohérent avec son travail.

Lorsqu’elle reçoit une personne, elle lui explique le processus et la démarche qu’elle va suivre. La personne doit adhérer à son environnement. Cette dernière peut la guider vers ce qu’elle affectionne ou ce qui lui plairait, mais Charlotte ne perd pas de vue son objectif. Le portraitiste est dans l’intime, dans la relation. Il y a une mise en scène, du placement, une réflexion sur l’autre, un véritable échange. Il ne s’agit pas d’un service de production de simples photomatons.

Charlotte a également une activité de photographe plus classique, un gagne pain qui ne la comble pas vraiment mais néanmoins indispensable. Par ailleurs, elle a développé en parallèle une activité de coaching d’artistes. Elle les aide à prendre confiance en eux. Cette activité participe également à son travail de portraitiste. Dans les deux cas, il s’agit de révéler l’autre, de le mettre en valeur. Profondément altruiste, elle nous confie « je crois que mon intérêt premier dans la vie, c’est l’autre d’une manière générale ! ».

Portrait de face et de dos

Là où il s’agissait autrefois d’une tradition, le portrait est aujourd’hui quelque chose de plus difficile à appréhender pour une personne. Souvent perçu comme une manifestation narcissique, les gens n’osent pas se faire faire un portrait. Charlotte contre cette réticence et propose également des portraits de dos. Les femmes sont d’ailleurs plus demandeuses de ce type de portraits, qui par ailleurs sont excessivement intéressants. Lorsqu’il s’agit de femmes, le jeu de la chevelure, les détails d’un bijou, une nuque sensuelle dévoilée dégagent un coté énigmatique qui plait à l’artiste.

Un certain droit de regard

Le nombre de prises de vue est très variable. Le but est de saisir l’authenticité dans le regard. Avec les enfants, quelques photos suffisent, mais selon les adultes, il faut parfois des dizaines de clichés. Quelque soit le nombre de photos prises, Charlotte ne les présente pas à la personne. Elle est avant tout une artiste et veut rester fidèle à son art. Elle ne souhaite pas se laisser influencer par une personne qui souhaiterait choisir sa photo préférée avant l’impression. En revanche, si cinquante pour cent des personnes lui font totalement confiance, elle peut proposer aux plus réticents deux ou trois clichés afin qu’ils puissent faire un choix.

Charlotte et les réseaux sociaux

« Je ne suis pas du tout née à la bonne époque » s’amuse à nous dire Charlotte. Les réseaux sociaux ne font pas partie de son quotidien et l’angoisse même un peu. Bien sur, elle poste quelques uns de ses portraits sur son Instagram, ou sur son profil Facebook personnel mais Charlotte est discrète et n’aime pas particulièrement mettre sa vie en avant !

Elle ne s’inspire pas non plus spécialement des artistes qu’elle pourrait découvrir que ce soit sur Instagram ou Pinterest, et préfère aller flâner dans les musées.

Charlotte est une grande contemplative devant l’éternel et adore le silence. Nous avons eu un véritable coup de coeur pour cette artiste et ses oeuvres si singulières.

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Calendrier événementiel

  • 14 Juin 2017 : Mise en place d’un portrait permanent à la Pépinière (Paris)

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